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Case Studies
Harcèlement verbal entre filles (principalement via des SMS agressifs) à cause de rivalités et de jalousies
Quand et comment l’événement a débuté ? Comment l’école l’a détecté ?
Fin mars 2011, la préfète des études, qui organise un séjour en “classe verte” pour l'ensemble des élèves de 2e année, reçoit un courrier des parents d’Annik.
Annik ne veut pas y participer. Elle serait harcelée par des condisciples depuis octobre/novembre 2010.
La préfète prend contact avec les parents, reçoit l'élève et prend également le “pouls” de la classe auprès du titulaire et des professeurs.
Ayant éclairci la situation, elle estime que ces faits ne relèvent plus de sa fonction. Elle passe la main au préfet de discipline.
Les principaux acteurs impliqués ?
Trois jeunes filles que nous appellerons Annik, Françoise et Sophie.
La durée des événements ?
D’octobre 2010 à mars 2011, soit 6 mois.
Le type d’actes de harcèlement survenus ?
SMS agressifs.
Actions entreprises ? Stratégie mise en place par l’école pour combattre le fait de harcèlement ?
Le préfet de discipline entend Annik. Elle dit se sentir menacée, avoir peur. Pour étayer ses dires, elle montre plusieurs SMS très agressifs reçus récemment sur son GSM.
La personne qui a envoyé ces messages est facilement identifiable. Il s'agit d'une autre élève de sa classe, Françoise.
Le préfet reçoit à son tour Françoise. Celle-ci dit qu'elle a d'abord reçu des SMS d’Annik qui se moquait d'elle.
Elle les montre au préfet et raconte l'histoire suivante : “Il y a quelques jours, Annik, Françoise et Sophie se trouvaient en ville. Au bout d'un moment, Annik et Sophie partent ensemble, rejetant Françoise qui part de son côté”.
(Il faut préciser que Françoise et Annik étaient de grandes copines depuis le début de l'année et que Sophie est arrivée plus tard dans la classe).
Le préfet revoit alors Annik pour l'entendre sur ces autres faits.
Elle complète l'histoire de la manière suivante : “Quand elle était dans le bus avec Sophie, cette dernière lui a demandé son GSM pour envoyer à Françoise des messages « pour rire ».
Elle dit ne pas être au courant de leur contenu. Elle dit même avoir demandé à Sophie si elle signait bien les SMS.
Arrivée chez elle, elle montre à sa maman et à son petit ami les messages de Françoise, sans montrer ceux qu'aurait envoyés Sophie et sans narrer le contexte.
La maman écrit alors à la préfète des études et le petit copain menace à son tour Françoise via des SMS.
Confrontation des acteurs
Face à ces deux versions, le préfet organise une confrontation entre Françoise et Annik.
Celle-ci tourne au vinaigre, Annik refuse d'entendre Françoise, de la laisser parler. Elle quitte le bureau du préfet en claquant la porte et retourne en classe.
Son titulaire, qui a pris fait et cause pour elle, lui enjoint de ne plus répondre aux convocations du préfet.
Témoignages des autres élèves
Le préfet va ensuite recueillir les témoignages d'autres élèves de la classe : par rapport aux faits décrits plus haut, mais aussi par rapport à des faits antérieurs supposés (puisque la maman d’Annik parlait de harcèlement qui durait depuis plusieurs mois).
Sophie est convoquée. Dans les échanges de SMS, elle reconnaît sa participation, mais minimise les faits et implique Annik en disant qu'elle était au courant de ce qui était en train de se jouer.
Par contre, pour les faits de harcèlement antérieurs, rien ne transparaît dans les déclarations des élèves (9 élèves ont été vus).
Témoignages des professeurs
Le préfet voit alors plusieurs professeurs de la classe. Il apparaît clairement que quatre filles dominent la classe par leur maturité physique (elles ont un an de retard scolaire). Il s'agit de Françoise, Sophie, Annik et Alicia. Les trois premières cherchant à avoir et ayant une emprise, un leadership négatif sur la classe.
Elles ne sont pas toujours évidentes à gérer en classe. Annik semble, d'après les professeurs, plus « intelligente » que les autres et ne pose pas de problème disciplinaire.
Un seul fait antérieur aux menaces par GSM est rapporté par le professeur de sciences. Il remonte à une semaine avant.
Françoise n'arrêtait pas d'interrompre une lecture d’Annik. Cette dernière a marmonné « mais tais-toi donc ». Sophie, s'est empressée de le rapporter à Françoise, et le ton est monté.
Règlement des faits
Le préfet décide des interventions et des sanctions suivantes.
Il se rend dans la classe et rappelle les règles de l’école par rapport aux insultes et menaces. Il rappelle les procédures d'alerte et déclare que dorénavant dans la classe, ce sera tolérance zéro à l'égard du moindre fait similaire, qui sera lourdement sanctionné.
Il rencontre le papa et la grande soeur de Françoise qui écope d'une journée d'exclusion au sein de l'établissement.
Il téléphone au papa de Sophie qui reçoit deux heures de retenue.
Il a également un contact téléphonique avec les parents d’Annik qui est sanctionnée pour être sortie du bureau du préfet sans son autorisation et ne pas s'être présentée à une de ses convocations. Elle écope d’une demi-journée d'exclusion dans l'école.
Dans les trois cas, lorsque le préfet contacte les parents, il ne leur expose pas uniquement le problème constaté. Il parle de l'ensemble de la situation de leur enfant et de ses interactions avec la classe (groupe “leader”, filles difficiles à gérer,…), afin que les parents comprennent bien le contexte.
Dispositif spécifique mis en place au sein de l’école ?
Ce cas a pu être réglé rapidement grâce à la stratégie “d’encadrement des élèves” développée par l’école depuis plusieurs années.
Dans cette école de 1.300 élèves, presque 9% du nombre total de périodes professeurs (NTPP) est consacré à l’encadrement, alors que le décret de la Communauté française prévoit 3% maximum.
Le personnel d’encadrement se compose d’auxiliaires d’éducation (éducateurs, préfet de discipline, conseiller en éducation, …), ainsi que d’un nombreux personnel administratif (accueil, bibliothèque, régularité, activités extérieures, informatique, …) qui permet aux premiers de se consacrer entièrement à leur tâche éducative. En tout, 27 personnes se consacrent à l’encadrement des élèves.
Ce dispositif est présenté de manière détaillée dans la fiche « bonnes pratiques » mise en ligne (prévention, intervention, gestion des plaintes, conseiller en éducation, …).
Sur le parcours scolaire ? Sur la santé mentale ? Sur l’intégration scolaire?
Aucun des élèves concerné n’a poursuivi sa scolarité au sein de l’établissement. Toutefois, il est difficile de dire si cela est lié aux faits décrits plus haut.
De plus, les faits sont qualifiés de harcèlement par une fille qui se présente comme la victime. Mais, après enquête, l’école pense que son statut est plus complexe que celui de victime et la qualification de harcèlement est discutable.
Sa perception des causes de l’événement de harcèlement ?
Annik se dit harcelée par ses condisciples, depuis +/- 6 mois.
Elle dit se sentir menacée, avoir peur. Pour étayer ses dires, elle invoque plusieurs SMS très agressifs reçus sur son GSM.
A-t-elle informé quelqu’un ?
Elle en informe sa maman qui lui apporte son aide en écrivant à la préfète des études.
Sa motivation, le choix de la victime ?
Françoise dit que si elle a envoyé des SMS à Annik, c’est parce qu'elle a d'abord reçu des SMS d’Annik qui se moquait d'elle.
Sa motivation est la réponse à une agression et probablement aussi la jalousie, puisqu’elle raconte qu’elle s’est fait larguer en ville par Annik et Sophie (alors qu’il est établi que Françoise et Annik était de grandes copines depuis le début de l'année et que Sophie est arrivée plus tard dans la classe).
A-t-elle des remords ?
Elle ne s’exprime pas sur d’éventuels remords. Mais, on peut supposer qu’elle n’en a pas.
Etaient-ils conscients de ce qui se passait ?
Neuf élèves ont été vus par rapport aux faits décrits, mais aussi par rapport à des faits antérieurs supposés.
De leurs déclarations, rien ne transparaît sur d’éventuels faits antérieurs. Sur les échanges de SMS, seule Sophie reconnaît sa participation. Mais elle minimise les faits en impliquant Annik.
Leur perception des causes ?
Ces élèves sont vus parce qu’à un moment leur nom est cité par un protagoniste ou témoin de faits. Ils n’ont que des informations parcellaires, voire aucune sur les faits relatés. Pour ceux qui sont plus impliqués, leur soutien va, de manière affective, à celle qui leur est le plus proche. Pour autant, aucun élève n’a une vue globale de la situation et ne mesure les tenants et aboutissants de l’histoire.
On peut d’ailleurs penser qu’ils s’en moquent. L’important est de choisir un camp, pas de savoir pourquoi on le choisit.
Etaient-ils conscients de la situation ? Qu’ont-ils fait ? Comment ont-ils compris ce qui se passait ?
Les enseignants n'ont pas l'impression de constater des faits de harcèlement dans la classe, et surtout pas à l’égard d’Annik qui fait justement partie d’un groupe d’élèves plus âgées ayant de l’emprise sur la classe.
Un seul fait antérieur aux menaces par GSM est rapporté par le professeur de sciences. Ce qui semble indiquer qu’il y avait déjà du tiraillement entre les protagonistes.
Le titulaire de la classe qui a pris le parti d’Annik, pense que le préfet s’est trompé et qu’Annik est bien une victime. Mais, il ne pense pas non plus qu'il y ait eu harcèlement. Il la défendait seulement par rapport aux SMS agressifs qu’elle avait reçus.
Quelle coopération ont-ils reçue de la part des autres professeurs et de la direction ?
Le préfet de discipline s’est rendu dans la classe pour rappeler les règles de l’école par rapport aux insultes et menaces, ainsi que les procédures d'alerte.
Les professeurs n’étaient pas demandeurs d’une coopération. Ils ne percevaient même pas de problème.
Etaient-ils conscients de ce qui se passait ? Qu’ont-ils fait pour gérer cet événement ?
La Direction a approuvé les décisions du préfet.
La Direction a rencontré l’enseignant contestataire afin de régler le dysfonctionnement intervenu.
Ce cas de “harcèlement” a été évoqué en réunion de « staff » où sont présents : un membre de la direction, le préfet de discipline, la préfète des études, son adjointe, la conseillère à la régularité, le conseiller d'éducation et le responsable des éducateurs.
Ont-ils remarqué ce qui arrivait ? Ont-ils été informés et par qui ?
Les parents ont été informés du problème par le préfet, à l’exception de la maman d’Annik, qui a été informée directement par sa fille.
Ont-ils eu la possibilité de modifier la situation et comment ?
Ils ont tous approuvé les sanctions décidées par le préfet.
Seule la maman d’Annik n'est pas d'accord avec la version des faits donnée par l'école.
Pour elle, sa fille est 100% victime de jeunes filles qui, de plus, ont le défaut d'être d'origine étrangère.
Elle introduit une dimension raciste au problème, lui permettant sans doute d’accréditer la version de sa fille.
Selon ses dires, elle ne s'est pas manifestée plus tôt car elle a d'abord essayé de « dédramatiser » le problème avec sa fille, qui a bien subi un harcèlement depuis plusieurs mois.
Elle aurait ensuite vraiment voulu venir à la réunion de parents du mois de janvier, mais elle n'a pas eu le temps à cause d'un déménagement dû à l'incendie de sa maison.
Au final, Annik n'est pas partie en “classe verte” !
L’école n’a pas fait appel à des conseillers externes, car elle dispose d’une importante structure d’encadrement.
Ce sont les conseillers internes (préfète des études et préfet de discipline) qui ont réglé le problème.
Ils ont participé à la réunion de “staff” (voir “point de vue des dirigeants de l’école”).
Le Pouvoir Organisateur n’intervient que lorsqu’il y a renvoi définitif.
Sur la véracité du harcèlement ?
On peut se poser la question.
Il semble y avoir un double rôle d’Annik, « un jeu trouble » comme le souligne l’école. On a l’impression d’être plus en présence d’un conflit non résolu que d’un harcèlement systématique.
Sur les causes de l’événement et le mécanisme qui a rendu possible le phénomène ?
Jalousie entre filles, lutte de pouvoir entre elles, amplifiée par l’utilisation de SMS non signés et donc équivoques.
Sur la réponse apportée par l’école ?
Deux problèmes se posaient aux yeux du préfet de discipline :
- Comment gérer le professeur contestataire, à la fois dans sa relation aux élèves et dans sa relation à l’institution.
- Comment sanctionner Annik et surtout donner du sens à cette sanction, d’autant plus qu’il sentait ne pas avoir le soutien des parents.
Le premier point a été pris en charge par la direction. En ce qui concerne le deuxième point, les responsables de l’école sont conscients qu’Annik a été punie pour de mauvaises raisons (non-respect des convocations du préfet) et qu’ils n'ont pas réussi à établir un dialogue constructif avec elle et sa famille.
Tout le monde a été d'accord pour minimiser la portée du mot « harcèlement » utilisé par la maman d’Annik, et mettre en avant le jeu trouble de cette dernière.
En effet, on peut penser qu’Annik n’avait pas du tout envie de partir en « classe verte » et s’est servie des SMS reçus pour inventer un problème de « harcèlement ».
Les responsables de l’école s’interrogent aussi sur la portée de la punition et sur la manière dont elle a été comprise par Annik et la classe.
Officiellement, Annik a été punie pour avoir désobéi aux injonctions préfectorales. L’école aurait voulu lui faire prendre conscience de son rôle dans cette histoire, à savoir : le prêt de son téléphone pour des actions répréhensibles pour lesquelles elle marquait son accord, la narration tronquée des faits à son copain et à ses parents, le fait de pousser des tiers à commettre des actes de violences et enfin la non-reconnaissance des faits.
L’école espérait que la sanction soit interprétée par les autres élèves comme une conséquence de sa culpabilité.
Ses parents et elle ont été totalement hermétiques à cette vision de la situation.
D’un point de vue éducatif cette sanction est nulle. L’école n’a pas trouvé de démarche adaptée à la situation.
Sur le type de réponse apportée par l’école (disciplinaire ou éducative) ?
L’école s’est située dans une logique disciplinaire stricte. On notera le rôle instructeur du préfet qui cherche et punit les coupables.
L’école ne s’est pas inscrite dans une logique de pacification qui aurait tout aussi bien pu être choisie comme optique de règlement du conflit, à savoir, travailler sur les « classes vertes » à venir pour que ça se passe bien et faire appel aux conseillers externes (CPMS, médiation scolaire par exemple).
Sur les enseignements tirés, sur les mécanismes de prévention mis en place pour que « cela n’arrive plus » ?
La gestion de ce cas illustre une véritable politique d’école, orientée à la fois vers la prévention et l’intervention, qui permet de réduire considérablement les faits de harcèlement
En réagissant au moindre fait rapporté, le dispositif mis en place dans l’école permet de désamorcer les situations conflictuelles qui pourraient dégénérer en phénomènes de harcèlement plus sévères (seulement 2 cas en 2010, alors que beaucoup de situations conflictuelles auraient pu y aboutir). Le risque de ce type intervention n’est-il pas d’ouvrir la « boîte de pandore », comme cela semble avoir été le cas ici ?
Gérer tout en interne ne permet pas toujours de prendre le recul nécessaire à la prise en charge des situations.
L’intervention des conseillers externes pour un travail sur « l’estime de soi », « le respect de l’autre », … serait un apport intéressant.
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