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Case Studies
Cyber-harcèlement envers une jeune fille et un enseignant sur Facebook
Quand et comment l’événement a débuté ? Comment l’école l’a détecté ?
Les faits se déroulent au sein des trois classes de troisième année d’immersion en anglais.
Vendredi 11 mars 2011, début d'après-midi, une maman, visiblement choquée, se présente à l'accueil et demande à parler à "un responsable de l'école". L’école est mise au courant par cette maman que circulent sur facebook deux photos, une d'un professeur grimé en nazi et une de sa fille, appelons-la Anne, couverte de poils (celle-ci a une légère pilosité faciale).
Ces images circulent depuis plusieurs jours mais sa fille s'est effondrée quand elle a vu le nombre de signatures de copains et de copines, parfois très proches.
La date est très importante. Le lendemain, samedi 12 mars, c'est le départ du voyage des élèves de troisième immersion en Angleterre. Anne, les signataires et le professeur grimé en font partie.
L'état de choc d'Anne est tel, qu'elle refuse de continuer sa scolarité au Collège et qu'elle refuse de participer au voyage, malgré l'importance qu'il représente pour ce type d'enseignement.
Les principaux acteurs impliqués ?
Les victimes : Anne et un professeur.
Le harceleur principal : le garçon de la classe d’Anne qui a posté les images sur facebook.
Les suiveurs (13 élèves sur 80) : ceux qui ont cliqué « j’aime » et/ou qui ont écrit des commentaires.
Le type d’actes de harcèlement survenus ?
Cyberharcèlement.
La durée des événements
Une dizaine de jours.
Actions entreprises ? Stratégie mise en place par l’école pour combattre le fait de harcèlement ?
Les responsables de l’école essayent de rassurer la maman et lui promettent de la rappeler en fin d'après-midi.
Le Préfet du Degré Inférieur mène une enquête, consulte facebook et imprime les photos ainsi que les pages de signatures.
Une réunion avec la direction, l'éducateur de niveau, la préfète du degré supérieur et le préfet du degré Inférieur est organisée sur le champ.
Le faits étant avérés et graves, l’école décide de sanctions :
- L'élève qui a posté les photos sera exclu du voyage, mis sous contrat disciplinaire pour faute grave. Il prestera trois jours d'exclusion pendant la semaine du voyage.
- Les signataires recevront eux aussi un contrat disciplinaire pour faute grave et presteront après le voyage un jour de renvoi.
- Tous les élèves seront vus par le CPMS (centre psycho-médico-social) et le préfet dès le retour de voyage.
- Les parents de ces élèves sont informés par téléphone et certains d’entre eux sont vus par la directrice-adjointe et le préfet en soirée.
Le problème est réglé au terme de l’après-midi. La maman d'Anne est mise au courant des décisions. Anne fera partie du voyage du lendemain en Angleterre.
Une mise au point est faite par la directrice-adjointe, le lendemain, au départ du voyage.
Les photos sont retirées du site.
Sur le parcours scolaire, sur la santé mentale ? Sur l’environnement scolaire ?
Anne a été longuement suivie par le CPMS, oscillant de l'abattement à la remise en question de la gravité du fait.
Les autres élèves ont également été suivis par le CPMS.
La réaction de l’école a fortement marqué les esprits de tous les élèves. En effet, c’était une des premières fois que l’école prenait une sanction aussi lourde. Les élèves se sont rendu compte que dans cette école réputée « gentille », on pouvait prendre des décisions dures.
Sa perception des causes de l’événement de harcèlement ?
Pas d’information.
A-t-elle informé quelqu'un ?
Sa maman.
De quelle aide a-t-elle eu besoin et de la part de qui ?
Ce qui est difficile à ce niveau c'est que la victime n'est pas constante dans son attitude, tantôt, face aux autres élèves, elle relativise la portée des faits (pour rester "copains") tantôt, plutôt en privé, elle avoue une réelle blessure.
Le travail du CPMS a permis de restructurer Anne, permettant ainsi aux autres élèves concernés de mieux cerner l'ampleur du problème.
Anne a continué sa scolarité à l’école.
Motivation, choix de la victime ?
Pourquoi cette élève et ce professeur ? Un léger duvet "disgracieux", un professeur d'une grande simplicité… Pour des élèves d'immersion (la "super-option"), dans un groupe d'élèves particulièrement superficiels où les marques de vêtements suffisent pour évaluer un homme, voilà des éléments déclencheurs…
Pour le jeune harceleur, il ne s’agissait que d’un jeu. C’était « pour rire », « une bonne blague ».
Ont-ils des remords ?
Le harceleur n’a eu aucun remords. Il n’a pas compris le procès qui lui était fait. Il n’a vu que son plaisir, faire une bonne blague.
Les autres élèves impliqués, les suiveurs, ont eu deux types de réaction, suite notamment aux rencontres avec le CPMS : soit le remord et la prise de conscience de la gravité des faits, soit l'incompréhension du caractère fautif (on rejoint assez bien les réactions parentales).
Cette incompréhension est interpellante. Quelques mois plus tard, lors de la soirée de rentrée des 4èmes, une des mamans dont la fille avait signé "j'aime", bien que comprenant parfaitement la réaction du Collège, disait au préfet que, pour sa fille, la sanction avait été vécue comme une totale injustice.
Au cours d’une activité où le préfet a l'occasion d'être proche des étudiants, hors contexte purement scolaire, retraite des 5° ou des 6°, le problème de facebook a été amené. Lors des discussions, il est clairement apparu que pour certains, c’est la fille qui n’avait pas bien compris facebook. Pour les jeunes, facebook est un monde virtuel à ne pas prendre trop au sérieux sauf, peut-être quand ils en sont la victime…
Etaient-ils conscients de ce qui se passait ? Leur perception des causes ? Ce qu’ils ont fait et pourquoi ?
Via le bouche à oreille, tous les élèves de l’école ont très vite été mis au courant des sanctions et ont eu des réactions partagées.
Les étudiants des trois classes concernées ont reçu un courrier de la direction rappelant les règles de respect d’autrui, le droit à l’image, …
Etaient-ils conscients de la situation? Qu’ont-ils fait ? Comment ont-ils compris ce qui se passait ?
Les enseignants sont dans leur « bulle ». Personne n'imaginait un problème d'une telle ampleur. Le professeur ciblé sur facebook a été profondément blessé d'être assimilé à un nazi. Il a toutefois participé au voyage et continué son enseignement dans les trois classes.
Quelle coopération ont-ils reçue de la part des autres professeurs et de la direction ?
Tous les professeurs de l’école ont reçu un dossier explicatif du fonctionnement et des dangers de facebook.
Etaient-ils conscients de ce qui se passait ? Qu’ont-ils fait pour gérer cet événement ?
La direction a remis un contrat disciplinaire aux parents. Ce document explique la sanction, rappelle les règles de fonctionnement dans l’école, les attentes au niveau du changement d’attitude de l’élève ainsi que le suivi qui sera assuré (ex. le garçon harceleur a vu son contrat prolongé l’année suivante). Il est signé par toutes les parties.
Les journées de renvoi à l’école ont été consacrées à la réparation de la faute (lettre d’excuse aux victimes, travail sur le fonctionnement et les dangers de facebook, travail sur le respect d’autrui, …).
La direction avait déjà été confrontée à des problèmes de type facebook mais de plus faible importance (querelles entre filles sur un petit copain, …). Dans ces différents cas, le contact avec les parents avait permis de résoudre facilement le problème.
Et, depuis longtemps déjà, un courrier sur le droit au respect de la vie privée, le respect entre les personnes, même sur internet … avait été envoyé aux parents de tous les élèves.
Que faut-il faire selon eux pour améliorer la situation ?
Le problème d'Anne et du professeur grimé a fait surgir un autre problème : l'incompréhension de certains élèves fautifs. Or, sans compréhension, une sanction est sans effets. S'est donc ajoutée une réflexion sur le besoin de mener une sensibilisation auprès des jeunes. Réflexion pas encore terminée à ce jour. L’idée d’une ou deux personnes référentes pour les problèmes de harcèlement (les deux préfets, par exemple, qui ne sont pas au contact direct des élèves) fait également son chemin …
Ont-ils remarqué ce qui arrivait ? Ont-ils été informés et par qui ?
La maman d’Anne a été informée par sa fille. Les autres parents ont été informés par l’école.
Ont-ils eu la possibilité de modifier la situation et comment ?
Le père de l'élève responsable du postage des photos s'est opposé à la logique de l'école. Il a fait pression sur Anne, en téléphonant à sa maman et en la culpabilisant (sa fille aurait du comprendre que c’était une blague, chantage affectif avec les copines, risque de problème scolaire pour son fils, …) pour qu'elle retire sa plainte auprès de la direction. Il a, à son tour, posté sur facebook un texte disant en substance à son fils de ne pas se tracasser pour la sanction car, lui, il allait lui offrir un voyage aux USA. Son fils a continué sa scolarité à l’école.
Les parents des élèves signataires ont eu deux grands types de réaction :
- Un soutien franc de l'école avec un "renforcement" parental (la majorité d’entre eux).
- Une tentative de marchandage pour certains. Le contrat disciplinaire n'allait-il pas mettre en cause la réussite de leur enfant, quelle image leur enfant allait-il avoir… ? Ne pouvait-on supprimer ce contrat ?
La maman d'Anne, « sous les pressions », a voulu faire marche arrière, minimisant les conséquences et réduisant les faits à des "jeux d'ados". Après une discussion avec la direction et le Préfet qui ont garanti une "protection" d'Anne (elle craignait que sa fille soit rejetée du groupe), elle a retrouvé une certaine sérénité.
S’ils étaient conscients de la situation, qu’ont-ils fait ?
Le Centre PMS a mis au point des séances de réflexion avec les élèves concernés (collectivement et individuellement pour ceux qui le souhaitaient). Ces séances ont permis aux élèves de s’exprimer, de comprendre la gravité des faits.
L'ensemble des professeurs a reçu des documents permettant de prendre conscience du problème et donnant des pistes d'action.
Comment pourraient-ils améliorer la communication et la coopération ?
Une réflexion est menée pour mettre en place une prévention.
Dans toute cette problématique, les acteurs de terrain ont reçu un soutien total du PO.
Sur la véracité du harcèlement ?
On semble être à la limite du harcèlement : un seul fait (photos), une durée très courte (15 jours max.), une intention de nuire ou une simple moquerie ? …
On pourrait plutôt parler d’un événement critique majeur.
Sur les causes de l’événement et le mécanisme qui a rendu possible le phénomène ?
Il y a sans conteste un effet de groupe. Je coche "j'aime" parce que certains élèves de la classe l'ont fait (parfois même sans regarder le contenu de ce qui est coché).
Les trois classes se trouvaient isolées des autres, dans un bâtiment à l’écart. Un microcosme s’est créé, un petit monde centré sur lui-même (élèves au « gros cou », « frimeurs », pour qui seule l’apparence compte, …).
Sur la réponse apportée par l’école ?
La réaction de l’école a été rapide (quelques heures). Il fallait rendre leur dignité au professeur et à l’élève victimes, avant le voyage du lendemain où tous les acteurs allaient se retrouver.
Dans la lutte contre le cyber-harcèlement, il faut, comme dans toute approche disciplinaire, de la rigueur et de l'humanité. Mais apparaissent ici de nouvelles problématiques :
- « Ne fait pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse » perd de sa pertinence. Certains élèves ne comprennent pas qu'on ne comprenne pas que c'est pour jouer. Comment peut-on prendre au sérieux facebook ?
- En cochant "j'aime" sur facebook, c'est pour beaucoup de jeunes élèves leur première "signature de contrat". Ils ne perçoivent pas vraiment la portée que nous, adultes, lui donnons, or ce sont des adultes qui prennent les sanctions. Sans parler que notre société banalise les ruptures de contrats et relativise le poids de la parole donnée. Mais pour celui qui reçoit la signature en pleine figure, cette signature est la personne !
- Les blessures que l'on inflige aux autres se font par claviers interposés, on rejoint les jeux de massacre virtuels. On ne se sent pas personnellement impliqué (ce n'est pas comme un conflit physiquement réel).
Sur le type de réponse apportée par l’école (disciplinaire ou éducative) ?
La réaction de l’école semble un peu rapide, mais est justifiée par l’urgence.
Les sanctions infligées apparaissent comme « dures » tant pour l’élève harceleur (privé de voyage d’immersion) que pour les signataires (un jour de renvoi à l’école) mais se justifient par la nécessité de faire un exemple.
Il n’y a pas eu d’exclusion du harceleur. L’école est restée dans une logique éducative : contrats disciplinaires et jours de renvoi à l’école consacrés à la réparation de la faute.
Deux types de mesures (sanction et soutien) ont été prises rapidement et simultanément, ce qui permet certainement de limiter l’effet négatif du harcèlement.
Reste une question : Comment développer l’empathie chez ceux qui ne semblent pas en avoir (« ce n’est qu’un jeu », un monde virtuel à ne pas prendre au sérieux, …).
Sur les enseignements tirés, sur les mécanismes de prévention mis en place pour que « cela n’arrive plus » ?
La réflexion est en cours avec le CPMS pour mettre en place une prévention. Il est, en effet, dommage que le dossier remis aux profs l’ait été après les faits ainsi que la circulaire envoyée à tous les parents.
L’idée d’une personne de référence pour les problèmes de harcèlement fait son chemin. Ce dispositif est intéressant. Il renforce l’idée que l’adulte est le garant du bien-être et de la sécurité dans l’école.
Ces deux conclusions paraissent pertinentes.
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